Nous posons nos questions à Pascal Mulegwa, journaliste en République Démocratique du Congo (RDC), sur l'actualité politique et sociale du géant de l'Afrique centrale.
Le président, Joseph Kabila a récemment annoncé qu'il ne briguerait pas un troisième mandat et a désigné son dauphin, Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat. Quel paysage politique se dessine pour la République démocratique du Congo (RDC) après le départ de Kabila ?
Ceci sera une première dans le pays depuis l'indépendance, le premier passage paisible de pouvoir, la première transition pacifique depuis 1960, c'est historique.
Le système politique en soi ne changera pas mais ses dirigeants vont changer, la classe politique se renouvelle, petit à petit.
Certains analystes considèrent Ramazani Shadary comme la marionnette de Kabila et son possible mandat présidentiel comme une continuation du pouvoir de ce dernier ? Est-ce vrai ? Qui est Shadary ? Jouit-il d'une influence politique dans son parti et dans le pays ?
Ramazani Shadary est une tête connue du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, au pouvoir) mais pas un homme qui fait figure de proue. Il paraît comme une des figures les plus manipulables du Parti : un simple diplômé d'université, qui n'a pas de background solide, de réelle force politique.
Kabila veut, en effet, une continuation de son pouvoir, et veut ainsi s'assurer de rester "l'autorité morale" de sa majorité présidentielle même après les élections au cas où son dauphin (Shadary) était élu.
Shadary est un Catholique pratiquant, originaire de la province pauvre du pays, cela a une valeur symbolique au mieux.
Dans sa province de Maniema, le manque de sécurité et d'avenir économique inquiète la population dans un contexte de violences par les miliciens maï-maï. Ramazani Shadary n'a pas eu et n'a pas d'influence dans sa région, et n'a, en rien, pu apporter des solutions aux problèmes régionaux même quand il fut ministre de l'intérieur.
Qui est Jean-Pierre Bemba [Gombo], est-il la seule force capable de vaincre Shadary aux élections ? Comment s'est redessiné l'opposition à Kinshasa depuis le décès d'Étienne Tshisekedi ?
Jean-Pierre Bemba est un opposant charismatique et populaire en RDC; sa famille est riche et influente; son père, Jeannot Bemba Saolona était puissant, il était proche du Maréchal Mobutu et de son clan. C'est un candidat à prendre au sérieux.
Felix Tshisekedi est un autre candidat important. Il est le candidat du plus grand parti d'opposition, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Son plus grand désavantage est son manque d'expérience politique, et de connaissance du monde politique.
Moïse Katumbi est autre homme politique qui a une réelle ambition présidentielle mais qui contraste avec ses démêlés judiciaires.
Ancien gouverneur de région et démissionnaire du PPRD, il est très influent et dispose d'une base électorale solide.
Vital Kamérhé, qui est un ancien président de l'Assemblée nationale et ancien secrétaire général du PPRD, avait quitté la majorité en 2009 puis fondé son propre mouvement. Il était arrivé troisième à la présidentielle après Kabila et Tshisekedi en 2011 avec 7.74% des voix. Il a certaine influence, il ne peut pas être ignoré.
Donc en somme, l'opposition est à l'heure actuelle divisée. Voyons si des alliances prendront place dans l'avenir proche.
Concernant les conflit intérieurs au pays, quels sont les régions les plus touchées, et qui sont les acteurs de ces violences ?
Dans la partie orientale, le Nord-Kivu est la région la plus meurtrie. Elle est la cible de milices locales fondées sur des identités ethniques et actives depuis la fin des années 1990. Il y a parmi eux des rebelles, des déserteurs des armées, et souvent des hommes d'affaires locaux en connivence avec ces groupes armées, par exemple.
Les provinces frontalières du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi sont très touchées par l'insécurité, par exemple des rebelles rwandais sont présents dans le Nord-kivu. Le Rwanda a même envahi une partie du territoire de la RDC et l'Ouganda a, par exemple, soutenu Bemba et ses forces pendant la deuxième Guerre du Congo ( 1998 - 2003).
Peut-on dire que l'épidémie d'ébola en RDC est désormais contrôlée ? Y a-t-il des risques pour l'avenir ?
C'est la 10ème épidémie, elle n'est pas sous contrôle. Elle attaque surtout une zone en plein conflit où il y a un important déplacement des populations, des zones transfrontalières; il est donc difficile d'éradiquer l'épidémie du fait de cette forte mobilité des populations entre les pays et des conditions de vie difficiles dans un contexte de violence et d'instabilité économique.
Quels sont les autres sujets pressants de l'actualité en RDC ?
Le processus électoral et l'utilisation de certaines machines (qui seront utilisées pour les élections) promue par Ramazani Shadary est considérée par certains de l'opposition comme un moyen pour tricher : il y a donc une menace de boycott qui pèse sur les élections de décembre prochain par l'opposition. Il y a encore également des problèmes avec l'actuel fichier électoral qui selon l’opposition est infecté par des millions d'électeurs "fictifs".
Entretien avec Pascal Mulegwa, Journaliste, effectué par Ümit Dönmez
Pascal Mulegwa, Journaliste à l'Agence Anadolu, Correspondant de Radio Vatican et de Jeune Afrique, Kinshasa
actualite-news.com publie régulièrement des articles d'actualité de Pascal Mulegwa à propos de la RDC.
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